L’été dernier, le Lys Bleu publiait le tout premier livre de son auteure, Julia Brandon. Cette lecture aux accents de conte contemporain se réapproprie les codes du style, pour composer une aventure qui utilise les clichés de la fantasy et l’imaginaire collectif. La personne découvrant l’ouvrage ne sait pas vraiment quel genre d’œuvre elle tient entre les mains. S’agit-il d’un roman enfantin ou d’une tragédie grecque ? L’écrivaine attaque grâce à un prologue efficace, un livre organisé et un rythme effréné. Félix et sa jumelle sont différents. Tandis que le garçon est réceptif à ce monde magique vivement contredit par son père et même sa sœur, cet enfant prodige a mangé du sucre, qui n’en est pas vraiment et a été « aidé » par le cours d’eau de la rivière. En parallèle, son enseignant Gustave consomme régulièrement des capsules bizarres, appelées « rebrousse-temps ». Ces confiseries lui donnent l’opportunité de briser le continuum espace-temps et sauver sa fille noyée… Dès lors, le texte présente le passé troublant de ce professeur mal luné. Mathilde, sa femme, s’est tristement ôté la vie. Elle n’a pas survécu au décès d’un enfant. Dans ce souvenir très vif, il est pris d’un sentiment de mélancolie. En visitant son ami défunt Pierre, Gustave espère bousculer le cours du temps. Peut-on vraiment tout contrôler ? C’est bien la thématique que le lecteur contemple, surtout si le personnage en question se révèle être un mage incognito.
Félix et Gustave ont ce point en commun : les mêmes pouvoirs et la perte. Avec un ton oscillant entre légèreté et drame cru, l’auteure dissémine quelques délicieux moments gorgés d’humour, laissant le texte respirer entre deux scènes parfois violentes.
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Félix le rebelle et son professeur côtoient les légendes, tel cet enfant maudit qui apparait dans un livre non répertorié. Enfin, le roman Les Passagers n’hésite pas à appuyer là où ça fait mal, pour le plaisir de torturer les lecteurs en leur proposant des visions cauchemardesques, mais néanmoins suffisamment édulcorées pour un public adolescent. Certains personnages donneront de l’urticaire, tant ils semblent détestables comme Calliste, cruel, rusé et prêt à tout pour se venger des déviances de son père, Amarin, l’ancien patron de la Fabrique. Suicide et regrets sont maître-mots de ce mythe déterministe, qui rappelle aussi étrangement l’Œdipe Roi de Sophocle, qui joue sur le lien entre l’homme et les dieux (ici, les forces de la nature et du temps) en mettant en scène le concept de fatalité. Œdipe est incapable d’échapper au destin annoncé par l’oracle de Delphes. Félix pourra-t-il se soustraire à ses propres pouvoirs ? Et surtout, est-ce que Gustave pourra récupérer sa fille adorée ?
Dans ce roman de fantasy saupoudrée d’érotisme peu suggestif, le lecteur ou la lectrice pourra retrouver des sujets chers aux récits de jeunesse comme la quête de l’immortalité, au prix de toute morale. Est-il possible d’accorder la paix à ceux qui ont allumé le feu ? Ces questions souvent redondantes dans l’art méritent cependant d’être abordées, car elles sont avant tout humaines. Cet ouvrage instaure un climat de tensions et d’attentes, avec un style très direct qui se prêterait particulièrement à une adaptation sous forme de série.
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Les héros des élus magiques séduisent et laissent perplexe. Ce sont eux qui souffrent le plus, malgré des forces et des atouts évidents. Au manoir de Sylvestre, l’aspect festif rappelle les réunions mystérieuses et les théories du complot qui fascinent le public. Cet ordre fait rêver, car il est secret, caché et se compose de personnages qui n’ont rien de parfait. Au-delà des premiers pronostics, les couples les plus parfaits et lisses s’avèrent dissimuler d’atroces confessions à venir… L’auteure parvient à exploiter les failles de son héros Gustave, désespéré à l’idée de faire le bien — qu’il en arrive à faire le mal. Son lien avec le vieux Amarin est attachant et attendrissant. D’autres relations exposées dans le roman ne bénéficient pas du même approfondissement et la quête évolue. Volte-face, les amis d’hier deviennent les ennemis d’aujourd’hui — mais le resteront-ils ?
Est-ce que le message derrière ce vaste projet est de rappeler à toutes est à tous que la vie est précieuse, tout en pointant du doigt les dangers de l’obsession ? Les mages et les individus ordinaires tissent des paysages qui s’écoulent, changent et se modifient. Le fil du temps n’est pas linéaire, et même si ce concept bien réel en physique quantique ne demande qu’à être approfondi, il est ici utilisé à des fins strictement divertissantes. Le résultat des Passagers saura convaincre un lectorat jeune, en quête de sensations fortes, en soif d’aventure et de sorcellerie !
Le site de l’auteure : https://julia-brandon.fr/